FAMA
Besançon

Avec le festival bien urbain

Pour FAMA Besançon, l’Ambassade des États-Unis d’Amérique et Hypermur se sont associés au remarquable festival Bien Urbain qui fêtait sa dixième édition en juin 2021, pour inviter les artistes L.E.O. (Miami) et Rouge (Bordeaux). Ensemble, les deux peintres figuratifs ont créé un diptyque captivant alternant couleur et noir et blanc, chargé de symboles qui offre de multiples lectures sur les discriminations raciales en France et aux États-Unis.

Le destin extraordinaire d'Eugene Bullard

Sur la partie de gauche, L.E.O. raconte aux habitants de Planoise, l’histoire de Eugene Bullard dont il peint un portrait imposant et charismatique.
Né dans les années 1910, Eugene Bullard quitte les États-Unis à l’adolescence pour se rendre en France où, d’après son père, « on juge un homme à son mérite et pas à la couleur de sa peau ». Il ment sur son âge pour pouvoir s’engager dans l’armée française durant la Première Guerre Mondiale, durant laquelle il devient le premier pilote de chasse noir de l’histoire.

Successivement boxeur, artiste de cirque, batteur de jazz, patron de club parisien, il participe ensuite à la Seconde Guerre Mondiale avant d’être évacué vers les États-Unis. Largement méconnu des deux côtés de l’Atlantique, Eugene Bullard a pourtant reçu de nombreuses décorations et honneurs militaires ainsi que la Légion d’Honneur en 1959. Sur le fuselage de son avion, on pouvait lire « All blood runs red ».

Les conditions de vie des personnes noires aux États-Unis est un thème central de l’œuvre du jeune peintre de Miami. Lors de son dernier voyage en Europe, il l’avait déjà mêlé de façon puissante à son histoire personnelle et familiale pour le festival In Walls We Trust.

Rouge détricote la "couverture républicaine"

Concernant la partie de droite peinte par Rouge, c’est l’artiste elle-même qui en parle le mieux :
"Lorsque L.E.O m’a proposée de répondre au portrait d’Eugène Bullard, j’ai pensé qu’une scène intime, anonyme, pourrait dialoguer avec cette biographie d’exception. Car si l’incroyable parcours d’un homme est possible malgré le racisme systémique, le mérite seul, dans le contexte de Planoise, me semble une fiction dangereuse. D’un côté, il y a le possible, de l’autre, les conditions sociologiques qui rendent ce possible rare.

J’avais envie depuis longtemps de réfléchir à la couverture républicaine, cet universalisme à la louche qui étouffe le témoignage de ceux que l’on ne souhaite français que lorsque leurs exploits glorifient la nation. Sur cette fresque, une femme brode une deuxième étoile sur un T-shirt de foot de l’équipe française.

"Elle le fait car coudre c’est lier, c’est reconnaître la maille manquante, c’est repriser, simplement, silencieusement, sans gloire."

Elle le fait car cette victoire c’est la sienne : le coton est le sien, les fils qui remportent la victoire sont les siens, le tissus national, elle l’a cousue de génération en génération. C’est un geste vain ; comme broder un crocodile sur un polo n’a jamais dupé un adolescent.

Elle le fait car soudainement les maillots à 1 étoile sont obsolètes et qu’il faudrait en acheter des nouveaux, chers, dans un circuit mondial de fabrication qui continue de faire du bénéfice sur le dos des plus démunis à chaque étape de sa production et de sa distribution. 
Mais elle le fait aussi car l’identité nationale est fluctuante, incertaine, inconstante ; on la donne et on la reprend, on s’y identifie par moment, on s’en écarte à d’autre. On fait corps autour d’une victoire. On a honte parfois d’en être. On ne sait plus trop au juste.

Elle le fait car coudre c’est lier, c’est reconnaître la maille manquante, c’est repriser, simplement, silencieusement, sans gloire. 
Rappelons simplement que penser à l’autre comme un étranger c’est prendre le risque d’être l’étranger de quelqu’un. 
La peinture n’abrite et ne soigne personne. Elle ne suffit jamais. Mais on était là, on a rencontré, on a essayé de comprendre, on a mis nos oreilles au coeur et on a fait ce qu’on a pu. On était jamais bien sûr d’être au bon endroit, d’être légitime, de comprendre. Et des gens autour de nous nous on soutenu, remercié, ému.
J’aurai aimé pouvoir écrire quelque chose de mieux. Mais je n’en ai pas les armes. 
Ecouter « Kiffe ta race » serait un bon début pour tous." Rouge















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